A comme Allégresse Acrostiche pour décrire l’appellation Gigondas aujourd’hui et hier Fait rare dans l’histoire des noms de lieux, Gigondas a toujours gardé le sien. Seules ont varié la graphie et la prononciation. Et l’étymologie la plus probable selon les historiens serait l’adjectif latin jucundus, « plaisant », « agréable », et son dérivé jucunditas qui signifie la joie, l’allégresse. En retrait, agréablement blotti sur une pente douce entre le massif des Dentelles et la vaste plaine de la vallée du Rhône, orienté vers le soleil couchant, les légionnaires vétérans y ont développé au bas-empire des « villae » qui garantissaient l’emprise de l’immense empire romain et donnèrent naissance à nos villages. Plus tard, les princes d’Orange, qui possèdent la commune du XIIe siècle jusqu’en 1731, date à laquelle leur principauté est rattachée à la France, venaient avec leur suite dans ses bois pour se détendre et s’adonner aux plaisirs de la chasse. Si l’on est en droit de supposer que les vins des coteaux de la vallée de l’Ouvèze participaient tout autant à la gaieté étymologique que la géographie du site, il faut souligner que l’or bleu contribue aussi à la douceur de vivre. Car ici partout l’eau jaillit. Les Romains y auraient installé des bains. Fait avéré, les vertus curatives des eaux minérales de Montmirail sont reconnues dès la fin du XVIIIè siècle. La source éponyme, située au bas du piémont des Dentelles, sur le territoire de la commune, a été exploitée pour des cures du milieu du XIXe siècle jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Le poète Frédéric Mistral et la tragédienne Sarah Bernhardt ont compté parmi les clients célèbres de ces thermes. Aujourd’hui encore, l’attrait de Gigondas ne se limite pas à son seul atout bachique. L’alpinisme sur le massif a pris de l’essor au XXe siècle et plusieurs manifestations sportives sont nées dans les années 1980 et 1990, dont la principale est la Traversée des Dentelles. Outre les randonneurs, grimpeurs, amateurs de vélo-tout-terrain, botanistes et autres cavaliers, Gigondas séduit aussi les passionnés d’art et de culture. Bernard Souchière, à l’initiative de festivals d’avant-garde dès la fin des années 1970, et Anik Vinay, créatrice de l’atelier des Grames qui fabrique des livres d’art, sont à l’origine du Cheminement des sculptures. Depuis 1994, ce parcours permanent expose sculptures et installations d’artistes contemporains dans les hauteurs médiévales du village et dans les anciens hospices qui ont été réhabilités. Car Gigondas, grâce à ses habitants, a su garder un cachet traditionnel, un charme pittoresque qui dispose les voyageurs à la félicité. À la beauté naturelle de son site s’ajoutent les nombreux vestiges du passé. « Gigondas est ce que la Provence a de plus idyllique » va jusqu’à affirmer le célèbre importateur et marchand de vins américain Kermit Lynch. Ainsi, avec la culture de la vigne, l’allégresse constitue l’autre élément de continuité entre les siècles. Rien d’étonnant à cela. Comme le souligne l’historien Jean-Baptiste Amadieu, « ces deux singularités de Gigondas – le vin et l’agrément – ont partie liée. Lorsque l’on a élevé la vigne et honoré son fruit pendant tant de siècles, peut-on être de méchante humeur ? »